La Dernière
C’était le dernier contrat, la dernière victime. Après celui-là, la dette était payée. La vie reprendrait son cours normal, s’il est seulement possible de reprendre une vie normale après avoir tué autant de gens, mais ça, c’était une autre question, qui se poserait plus tard.
Pour le moment, ce qui était important, c’était le contrat. Ne pas déconner, faire les choses correctement, proprement, rapidement. Ne pas laisser de trace, envoyer les preuves et disparaitre. Pour de bon.
Le vingtième et dernier contrat pour cette ordure… Et plus jamais d'autres après. Il avait fallu une petite erreur pour que cette crevure lui mette la main dessus et l'oblige à tuer. Un contrat sur un associé d'une des rares personnes en ville avec qui il ne fallait pas avoir d'histoire. Il n'avait pas vérifié assez profondément qui était l'émetteur. Et cet émetteur était une balance de première. Le tueur devait tuer pour ne pas être tué… Quel ironie… Vingt contrats, non rémunéré (sauf si on considérait le prix de sa propre vie). Mais c'était le dernier, et il disparaitrait. Fini tout ça, plus de morts, plus de sang, une petite maison à la campagne, des poules, des abeilles, la vie tranquille.
Ça faisait deux semaines qu’il étudiait sa proie. Ses allées venues, ses habitudes. Tout ça pour déterminer le moment le plus sûr pour frapper. Un endroit calme, sans monde autour, assez reculé, avec des endroits pour se planquer.
Et de fait, la proie avait ses habitudes. Il aimait passer par un parc pendant son heure de table, pour aller se chercher à manger. Un petit parc, quelques arbres et buissons, pas de bancs, donc pas de promeneurs au repos, temps de midi en pleine semaine, donc pas d’enfants avec leurs parents, le lieu idéal.
Un petit parc, une allées principales bordée de verdure, et une allée secondaire, perpendiculaire tellement mal entretenu que plus personne n'y passait. Tant mieux, cela réduisait encore le risque de témoins.
Pendant une bonne semaine, il avait testé différents endroits de ce parc. Des fourrés trop épais pour s’y faufiler, des troncs trop frêles pour se planquer… Il y avait bien des arbres plus anciens au milieu, les premiers plantés là quelques 50 ans plus tôt, mais justement, trop au milieu. La proie ne passait jamais assez près. Il fallait une autre planque… Et il y en avait une, une statue. Gloire au pigeon soldat ! Il ne savait pas quel politicien avait eu la bonne idée de placer cette statue, mais il le bénissait. Il avait pris le temps de lire la plaque commémorative. La statue (d'un pigeon prenant son envol, évidemment) remerciait tous les pigeons voyageurs de la région, qui avaient permis le transport de messages secrets pendant la Seconde Guerre. Qui l'aurait cru ? Et qui aurait cru que cela fût assez important que pour qu'il faille une statue à l'effigie d'un pigeon. Pas un colombophile, non, juste un pigeon, un rat volant… Mais cette statue était placée juste où il fallait, avec le piédestal qu'il fallait.
Un gros piédestal, épais, en sortie du parc. Idéal. Se planquer derrière, attendre la proie, bondir devant elle, une balle entre les deux yeux, une photo, l’affaire était faite.
Logiquement…
Mais est-ce qu’il y a des choses réellement logiques dans ce monde, où un pourri pouvait forcer quelqu’un à tuer pour lui ? Où est la logique dans ce monde où il pensait vraiment être libéré de sa dette, alors qu’il en savait beaucoup trop pour son bien ?
Le jour convenu, pourtant, tout se passa exactement comme prévu. La proie sortit de son bureau à son heure habituelle, et prit le chemin qui la ferait passer près de son destin. Et le destin était là, caché derrière ce gros bloc de briques rouges, à attendre le bon moment. Le piédestal, la proie, la balle, la photo… Tout était parfait, comme pour tous les autres contrats.
Le mort qui lui fait un clin d’œil, ça, par contre, ce n’était pas prévu… Ce n’était pas son premier contrat, mais c’était le premier qui se foutait de sa gueule avec une balle dans le cerveau… Il fallait vérifier. Risqué de s’attarder, mais nécessaire. Prendre un pouls, vérifier la respiration, n’importe quoi pour s’assurer qu’il était bien mort…
Et c’était le cas. Pas de pulsation, pas de respiration, et surtout, un trou au milieu du front qui permettait de voir le macadam du sol à travers !
Le clin d’œil, c’est sans doute une imagination un peu trop débridée. Le soulagement du travail bien fait, la libération psychologique d’en avoir fini avec tout ça ! Oui ! C’est forcément ça ! Juste son cerveau qui décompense, qui se fait un clin d’œil à lui-même, par l’intermédiaire d’un cadavre…
Il fallait filer maintenant. Se barrer le plus vite et le plus loin possible, envoyer les preuves, se doucher et oublier tout ça.
Demi-tour dans le parc, on sort de là en espérant ne croiser personne… Et devant, une ombre, quelqu’un… Merde, une idée vite… Le temps de réfléchir, plus personne… Sans doute l’ombre d’un oiseau… Ou du vent dans les arbres… Ou son cerveau qui décompresse, encore… Il avait lu quelque part que le soulagement extrême pouvait provoquer des hallucinations et des crises d’angoisse… Ça doit être ça, du soulagement extrême… Où est-ce qu’il avait lu ça ?
Le soulagement ? Vraiment ? … Sans doute… Ça devait être ça…
Tout en faisant défiler ses pensées, il avait atteint la sortie du parc, et faillit se fracasser sur le dos d’un promeneur arrêté, au milieu du chemin. Une grande respiration, il ferme les yeux, il compte lentement… 1 …. 2 …. 3 ….
—" Monsieur ? Ça va monsieur ?? " … Une voix de femme…
Il ouvre les yeux… Et personne… Pourtant la voix, le promeneur…
Le stress, c'est tout. Le stress de se faire prendre pour son dernier contrat, c'est juste ça.
Il reprend le chemin de sa voiture, garée à un kilomètre. 10 minutes de marche, pour vérifier que tout est calme, que personne ne le suit, qu'il a réussi sa dernière mission.
Allez, un pied devant l'autre, il avance, tranquillement, au calme. Trop calme. Les voitures ne font pas de bruit, les gens ne parlent pas, pas d'oiseaux…Pourtant, si près du parc, il devrait les entendre, ces satanés pigeons ramiers avec leur roucoulement rythmique. Et les voitures, sur l'avenue. C'est le temps de midi, il devrait y avoir de la circulation quand même, des gens qui reviennent au bureau après un lunch, un rendez-vous professionnel… Quelque chose cloche… Une grande respiration, il ferme les yeux, il compte lentement… 1 …. 2 …. 3 ….
Il reprend son chemin. Une passante le regarde avec insistance. Il jette un coup d'œil, pour vérifier que ce n'est pas une flic. Et se bloque. La tache rouge au milieu du front… Quoi ? Et en clignement, plus rien, plus personne. Une grande respiration, il ferme les yeux, il compte lentement… 1 …. 2 …. 3 ….
Il va devoir se calmer s'il veut rentrer chez lui et profiter de sa liberté. Mais cette tête… Elle ne lui était pas inconnue… Et la tache rouge au milieu du front…
Un fil glacé lui parcourt l'échine. Plus il pense à ce visage, plus les frissons l'envahissent… Le premier contrat… C'était elle… Dans le parking, la nuit, une balle entre les deux yeux elle aussi… Sa vision se rétrécit, se grise… Il faut se calmer… Respiration, comptage… C'est la descente d'adrénaline, c'est ça, rien d'autre. Le dernier contrat qui lui fait repenser au premier. Ne pas chercher plus loin, avancer, rentrer chez lui. Le premier contrat était loin, elle avait bel et bien été enterrée. Il le savait, il avait assisté à la cérémonie. Sans doute une forme de respect pour la personne qu'elle avait été. Il n'avait pas de reproche à lui faire, elle n'avait été qu'un contrat, rien de personnel, donc il pouvait au moins faire ça pour elle. Il avait toujours essayé d'assister, de loin, aux cérémonies de ses proies. C'était un risque qu'il prenait à chaque fois, parce que la police pouvait être présente, prendre des photos de la foule pour retrouver des visages communs, mais comme il changeait de mode opératoire, de région, et que les proies n'avaient rien en commun, il était suffisamment à l'abri d'un recoupement pour se permettre de prendre ce risque.
Au moment de se remettre en route, il remarque que plusieurs personnes se sont arrêtées pour le dévisager… Normal, un homme, stoppé au milieu du trottoir qui fixe un mur vide en marmonnant. Il reprend sa marche, sous les regards appuyés des passants. Ne pas regarder, avancer. Il relève la tête, il doit avoir l'air normal.
Plus personne ne semble faire attention à lui. Bien, très bien. Avancer, ne pas regarder les autres passants, un pied devant l'autre… Sensation d'oppression, de ne pas savoir respirer, entouré de regards hostiles. Et pourtant, autour de lui, personne, ou presque. Un vieux au coin de la rue, qui a l'air perdu.
Encore ce fil glacé qui remonte le long de sa colonne… Le vieux… Le coussin sur sa tête à l'hôpital… Non, pas possible. Il est mort et enterré lui aussi, le contrat a été validé… Respiration… 1…2…3… Plus de vieux. Mais la sensation de froid est restée elle… Il faut rentrer, il faut partir, il faut être libre.
Il court presque maintenant. Ralentir, il doit ralentir, se calmer, respirer. Quel adulte court en costume en pleine journée ? Quel adulte sain d'esprit, en tout cas ? Un pied devant l'autre, avancer.
Un pied devant l'autre, il avance. La voiture est là, devant. Il faut juste trouver les clés, rentrer à la maison. Avant ça, dans la voiture, envoyer les photos, les preuves, se libérer du contrat !
Il sort son téléphone, et regarde les photos qu'il a prises… Mais… Non… La proie, par terre, qui le regarde avec un grand sourire ! Pas un sourire de joie, non, une grimace, un sourire carnassier, le sourire d'une hyène prête à mordre dans le ventre d'une gazelle agonisante. Pourtant il a tenté de prendre une pulsation, il a vérifié sa respiration ! Et il voyait le putain de macadam à travers son front !!! Il ne peut pas envoyer cette photo là ! la deuxième ? Oui… La deuxième est normale… Enfin, si avoir la photo d'un mec avec un gros trou au milieu du front dans la galerie de son téléphone peut être considéré comme normal, alors oui, la photo est normale. Et en y revenant, la première aussi. Pas de sourire carnassier, pas de hyène, pas de gazelle, juste un mort avec un trou dans le crâne. Il sélectionne la photo, et l'envoie par la messagerie sécurisée, avec juste un message :" C'est fait, au plaisir de ne plus jamais avoir à travailler avec vous".
Il n'attend pas la réponse, il n'y a jamais de réponse. Il n'y avait que des contrats, mais cette période est finie. Plus de contrats, plus de morts, fini !
Il met la clé dans le contact, s'apprête à démarrer quand il relève les yeux et bloque. Tout l'air de ses poumons semble s'être évaporé en une fois, comme un ballon de baudruche qu'on vide en appuyant dessus le plus fort possible… La Rousse ! Le seul contrat qu'il avait failli ne pas mener à son terme… La Rousse, ses longs cheveux ondulés tombants en cascades sur ses épaules d'albâtre, ses yeux vert émeraude, sa démarche chaloupée. Il en serait presque tombé amoureux si sa vie à lui ne tenait que grâce à sa mort à elle… Il avait hésité pendant toute une journée. Il avait reporté le contrat au lendemain de la date prévue, parce qu'il avait dû se résoudre à accepter de tuer la plus belle femme qu'il ait jamais vu.
Il avait agi différemment avec elle. L'avait approchée dans ce bar où elle passait régulièrement ses soirées. Il n'était pas dans les canons de beauté standards, mais avait une aisance et une assurance qui ajoutaient à son charme ce qui lui manquait en beauté. Ils avaient discuté, et à la fermeture du bar, elle lui avait proposé d'aller prendre un dernier verre chez elle.
Surdose médicamenteuse. C'est très certainement ce que l'autopsie avait révélé.
Et pourtant, elle était là, devant sa voiture, à le fixer, de ses yeux vert émeraude. Mais des émeraudes brutes, ternes. Et sur ses épaules laiteuses, un filet de bave, de vomi, quand elle avait essayé de se purger de ce qu'il lui avait fait ingurgiter. Elle était morte, mais se tenait debout devant lui !
Sans réfléchir, il appuya sur le klaxon ! Du coin de l'œil, il vit une mère de famille avec une poussette sursauter et se tourner vers lui, pour voir qui était ce guignol qui venait de réveiller son bébé en klaxonnant dans la rue. Il tourna la tête vers elle, en faisant un geste vers l'avant, comme pour lui dire "désolé, j'essaie de faire partir la morte qui est devant ma voiture !".
Mais il n'y a rien ni personne devant lui. Et la mère de famille a déjà repris son chemin. Alors il fait de même, il démarre la voiture, et prend le chemin de son appart. Il avait besoin d'une douche et d'un whisky. Sans doute plus du whisky que de la douche d'ailleurs. Ensuite, il préparerait un sac de voyage avec le nécessaire, et quitterait cette ville. Peut-être même le pays.
Quelques jours au soleil, loin de tout ça, le temps de se retourner, de se trouver dans une petite maison à la campagne.
Son esprit arrêta de zoner pile au moment où il arrivait sur un passage piéton, avec, au milieu, effrayée comme un lapin sous les feux des projecteurs, une frêle petite mamy… Il pila sur les freins, de tout son poids, pour stopper à quelques centimètres de la petite vieille… La même petite vieille qu'il avait refroidie un mois plus tôt, en lui foutant une trouille mortelle (c'est le cas de le dire…). Et elle n'était pas si effrayée que ça au final… Plutôt pleine de rage !
Un coup de klaxon derrière lui le sort de sa contemplation. Le temps d'un coup d'œil dans le rétro, et il n'y a plus personne devant lui… Merde… Il était en train de devenir fou… Toutes ses victimes étaient en train de le rendre fou… Il avance de quelques mètres, se range sur le côté et essaie de reprendre le contrôle. Respiration… 1… 2… 3… Respiration…. Ne pas penser au froid qui l'envahit encore une fois, ne pas faire attention à la présence sur la banquette arrière, ne pas écouter le bruit de la respiration laborieuse dans son dos. Il savait à qui elle appartenait. Le Gros. Il avait réussi à l'étouffer avec de la bouffe. C'était facilement passé pour un accident. Avec son surpoids, personne ne doutait qu'il s'empiffrait à la moindre occasion. Personne ne fut étonné de le trouver mort à table, des restes de hamburger à moitié machés au fond de sa gorge…
Respiration… 1… 2… 3… Ouvrir les yeux, rentrer chez lui… Il n'y avait personne derrière lui… Ni Le Gros, ni La Vieille, ni la Rousse… Personne ! Ils étaient tous morts et enterrés, et lui était libre ! LIBRE ! Merde !!!!
Respiration… Se calmer maintenant… C'était fini ! Il pouvait reprendre le contrôle de sa vie ! Il devait reprendre le contrôle de sa vie !
Il redémarre la voiture, reprend son chemin. Il ne regarde que droit devant, parce qu'il sait qu'ils sont là, sur le trottoir, à le regarder ! Avec cette rage dans leur regard de morts. Hahaha !!! Leur regard de morts !!! Hahaha !!! … La crise d'hystérie n'est plus très loin…
Se calmer… Il ne peut pas fermer les yeux, il conduit, mais il peut quand même se calmer ! 1… 2… 3…
Il arrive finalement chez lui. Il se parque dans le sous-sol et sort de sa voiture. Au loin, il les voit… Les deux silhouettes qui se tiennent la main… Le Petit Couple évidemment ! L'accident de voiture sur le chemin de leur lune de miel… À chaque fois qu'il cligne des yeux, ils se rapprochent… OK… Ne pas cligner des yeux, rentrer chez lui, vite… Ici, il peut courir, il n'y a personne pour le juger. À part Le Petit Couple évidemment ! Hahaha !!! Il sprinte presque maintenant, vers l'ascenseur. Mais en s'approchant, il voit que la porte est ouverte. Il y a quelqu'un qui l'attend à l'intérieur. Évidemment, ils ne vont pas le laisser tranquille comme ça, si facilement ! Les volutes de fumée qui sortent des portes ouvertes de l'ascenseur lui donnent directement l'identité de ce qui l'attend. La Blonde. C'est la seule qu'il ait fait bruler. Ça faisait partie du contrat. Elle et son resto, c'était ce qui était demandé, c'était ce qu'il avait fait ! C'était ce qu'on lui avait ordonné ! C'était pas sa faute !!!
—"C'ÉTAIT PAS MA FAUTE !!!! " Il hurle… Il hurle devant un ascenseur vide… Pas de fumée, pas de Blonde. Derrière lui, pas de Petit Couple…
Pourtant, il ne prend pas l'ascenseur. L'idée de rester bloqué dans ce cercueil qui monte et qui descend lui retourne l'estomac. Ça, ou l'odeur de chair brulée qui flotte dans l'air. La Blonde est de retour… Il prend donc l'escalier, monte les marches quatre à quatre, en courant… Et évidemment, glisse sur une flaque sur le palier. L'élan le projette dans le mur, à pleine vitesse, il s'écrase sur la rambarde, et pour la deuxième fois de la journée, ses poumons sont vidés en une fois. Heureusement, il parvient à se retenir à la rambarde, sinon, il se serait écrasé sur la proie, La Dernière, étendue là, par terre, du sang partout sur le sol, autour de sa tête, avec son sourire carnassier de hyène… Panique, pas de souffle, un mort pas mort derrière lui… Respirer… Respirer… 1… 2… 3…. Il arrive enfin à reprendre de l'air, remplit ses poumons et se met directement à tousser… La fumée, l'odeur de chair brulée qui monte vers lui…
Il n'y a plus de sang à terre, il peut repartir, rentrer chez lui, s'enfermer, faire son sac, partir loin ! Vite ! Il reprend sa course dans l'escalier, plus lentement quand même, il ne faudrait pas qu'il tombe et se brise le cou, comme Le Banquier, qu'il avait poussé du haut des escaliers de son manoir. La façon dont son cou faisait un angle pas naturel avec son corps l'avait assez gêné. Une des seules fois où il avait été mal à l'aise après un contrat…
Merde, ne plus penser à ses contrats, c'était fini, il était libre, si seulement il pouvait rentrer chez lui…
Plus qu'un étage. L'odeur de chair brulée n'était plus là… Plus de bruit de respiration, pas de sang au sol… Il allait y arriver !
Au bout du couloir, la porte de l'appartement ! Personne dans le couloir, sortir les clés de la poche en s'approchant, pour les enfoncer dans la serrure le plus vite possible, rentrer, refermer la porte.
Oui ! Ça y est ! Il est chez lui ! Libre ! Il peut le prendre, ce whisky !
Il se sert un verre bien tassé, prend une première gorgée en se dirigeant vers la salle de bain. Prendre une douche. Se débarrasser de l'odeur de chair brulée qui lui colle à la peau…. Et qui envahit son appartement ! La salle de bain… S'enfermer, un essuie pour colmater la porte, ne pas laisser l'odeur et la fumée entrer avec lui !
Il ferme la porte à clé et s'adosse à la porte. Il ferme les yeux. Respiration… 1… 2… 3…
Toujours les yeux fermés, il s'approche de l'évier, les mains tendues devant lui… Mais il se bloque… Et si ses mains touchaient les épaules d'albâtre ? Froides comme du marbre ? Il ouvre les yeux en grand, paniqué ! Rien, personne… Il est seul… Il va s'asperger le visage d'eau froide. Bonne idée… Il se penche dans la vasque, fait couler l'eau dans ses mains et sens le souffle laborieux du Gros dans son cou. Il relève la tête d'un coup et regarde dans le miroir… Ils sont tous là, derrière lui ! Le Gros, La Rousse, La Vieille, Le Banquier, tous !!! Non ! Impossible !!! Il ferme les yeux… Respiration… 1… 2… 3… Respiration… Il sent les doigts glacés sur son cou, des mains sur ses bras, ses jambes sont attrapées également… Respiration. Se Calmer… 1… 2… 3… Les doigts sont nombreux… Ils serrent de plus en plus, les mains tirent ses bras, il sent ses épaules craquer, les jointures se disloquer… Respiration impossible… il entend la chair se déchirer sans ressentir la douleur. Il entend son cou craquer sous la force des doigts…dans la mort, l'ouïe est le dernier sens à s'éteindre… 1… 2…